ESG, CSRD, CSDDD…
Du plomb dans l’aile pour le sustainable ?

Par David Rabaut

Quels sont les objectifs des directives CSRD et CSDDD ?

La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) a pour but d’harmoniser le rapport de durabilité des entreprises, ainsi que la disponibilité et la qualité de leurs données ESG (Environnementales, Sociales et de Gouvernance) en leur imposant le respect des critères suivants :

  • Format à respecter,
  • Publication de ces informations dans une section du rapport de gestion
  • Vérification des données communiquées par un Commissaire aux comptes

La Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDDD) propose une démarche fondamentale de l’UE pour ancrer le développement durable au cœur de l’univers des affaires. Elle a été élaborée pour promouvoir une pratique commerciale qui soit à la fois durable et éthique au sein des entreprises européennes sur toute leur chaîne de valeur.

Cependant, au-delà de la cohérence du projet dans sa globalité au travers du « Green Deal », ou en sommes-nous aujourd’hui ? Que se passe-t-il sur la planète « Sustainable » ?

En effet, ces derniers mois, l’univers du « corporate sustainable » attendaient deux échéances avec attention : d’une part, le franchissement d’un jalon supplémentaire dans l’établissement des normes de reporting (CSRD) et d’autre part, le vote de la directive sur le devoir de vigilance (CSDDD).

Malgré tous ces efforts et une dynamique soutenue, assistons-nous à un ras-le-bol ?

Reports et révisions : un calendrier d’application de la CSRD et de la CSDDD mouvementé

Plusieurs éléments, aujourd’hui, semblent indiquer une lassitude des parties prenantes dans l’application des directives CSRD et CSDDD.

Report des normes sectorielles de la CSRD

Au sein du cadre normatif des ESRS3, les États membres et les députés ont validé un délai supplémentaire de deux ans pour la mise en application des normes sectorielles de la CSRD en repoussant la date butoir à juin 2006. Cela devait concerner les secteurs à forts impacts, ainsi que les secteurs de la Banque et de l’Assurance, et faciliter leur comparabilité en constituant une source d’informations précieuse pour les investisseurs.

Révision des seuils d’éligibilité de la CSRD

L’augmentation des seuils liés à 2 des 3 critères (cf. tableau ci-dessous) a de facto restreint le périmètre mais aussi décalé sa mise en application pour certaines entreprises. Impact estimé : environ 5 300 entreprises au sein de l’UE.

Devoir de vigilance : rejet ou non ?

Après un rejet le 28 février, faute de majorité qualifiée, le texte a finalement été approuvé le 24 avril dernier par le Parlement européen. Reste encore la difficile approbation par le Conseil de l’Europe, a priori, dans les semaines qui viennent avant d’envisager la publication au Journal Officiel.

CSDDD : périmètre et obligations revus à la baisse

La première phase ne concernera que les entreprises ayant plus de 5000 employés et un CA net d’1,5 milliards d’euros. Quant aux plus petites, le seuil passe de 500 à 1000 employés et le CA net de 150 millions à 450 millions d’euros, ce qui aura pour effet de diminuer le champ d’application.

Quant aux sociétés financières, elles ne seront responsables que de leurs propres activités. Leurs activités d’investissement et de prêt seront exclues des obligations relatives à la CSDDD, au moins dans un premier temps.

Un rejet dans la forme ? Un calendrier trop ambitieux ?

Le rejet initial de la CSDDD n’est pas tant sur le fond du texte qu’une réaction à un enchaînement de réglementations et directives sur une courte temporalité et souvent « indigestes » pour les petites et moyennes entreprises. Il ne faut pas tant y voir un recul des mentalités qu’une volonté de ralentissement du rythme et de l’enchainement effréné des réglementations.

En effet, plus qu’une avalanche, les entreprises sont confrontées à un tsunami réglementaire dans lequel les directives relatives au « Green Deal » prennent une part conséquente en occasionnant un volume de charge administrative ainsi qu’un coût d’implémentation conséquent.

Des revers mais le travail continue…

L’EFRAG4 a annoncé et organisé des ateliers en ligne en février 2024 afin de recueillir des retours sur la version actuelle du projet de normes de classification sectorielle SEC1, en se basant sur le système de la NACE (Nomenclature des Activités Économiques) déjà utilisé dans le cadre de la taxonomie verte. Huit de ces normes devraient toutefois être publiées une fois prêtes.

Le décalage du calendrier, maintenant acté, sera l’opportunité de regarder comment fonctionnent les premiers reportings extra-financiers dès 2025 et offrira davantage de temps aux directions pour se préparer et se conformer à leurs nouvelles obligations.

Une démarche d’amélioration continue

En parallèle, l’EFRAG4 continue de mener ses consultations publiques afin d’être plus exhaustif sur les normes ESRS3 et ainsi, de s’adresser à tous les publics, notamment ceux des petites et moyennes entreprises (PME : cotées / non cotées). L’objectif pour ces dernières est attendu pour la fin du semestre 2024. In fine, cela bénéficiera aussi à l’EFRAG4, en lui permettant de mettre au point des modèles « performants », et d’éviter d’éventuelles redondances. De la même manière, l’Asset Management, avec l’ISR2 V3, instigue d’ores et déjà des évolutions et une revisite complète de la notation.

En fin de compte, quelles perspectives ?

Fort de l’expérience des parties prenantes avec les reportings financiers, nul doute que la mise en application de l’extra-financier se fera sur le long cours avec de nombreuses évolutions des textes à des fins d’amélioration continue. Tant les institutions que les entreprises prennent enfin la mesure de l’implication et de l’engagement que représentent ces nouvelles directives et règlements. La prudence et la rigueur du travail de l’EFRAG4 restent de mise pour que ces reportings demeurent pertinents et qu’ils ne soient pas appréhendés comme une simple tache administrative, voire un camouflet au travers de cette kyrielle de données. L’introduction d’actions en justice maintenant possibles contre les entreprises qui ne feraient pas preuve d’une diligence raisonnable et adéquate (CSDDD) rendra ces sujets et la gouvernance afférente d’autant plus cruciale et tangible.

1. SFDR 1 (Sustainable Finance Disclosure Regulation) vise à accroître la transparence des informations relatives aux risques de durabilité et aux impacts de durabilité des investissements financiers, ainsi qu’à promouvoir les investissements durables au sein de l’Union européenne.

2. ISR 2 (Investissement Socialement Responsable) label d’État français créé en 2016 par le ministère de l’Économie et des Finances qui a pour objectif de faciliter l’identification des investissements et produits financiers qui prennent en compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans leurs choix d’investissement.

3. ESRS 3 (European Sustainability Reporting Standards) normes européennes de reporting de durabilité détaillées, dites normes ESRS permettant d’encadrer et d’harmoniser les publications des entreprises. La Commission européenne a mandaté l’EFRAG

4. EFRAG 4 (European Financial Reporting Advisory Group) : association à but non lucratif, créée en 2001 avec le soutien de la Commission européenne à laquelle elle fournit des conseils techniques, notamment dans le domaine de la durabilité.